Suis-je devenu Boboh?

Suis-je devenu Boboh?

24 août 2021 3 Par Atome

De ma chambre à Mambanda dans laquelle de l’eau entrait de tous les cotés, de l’époque où je vagabondais, où je passais des nuits et jours de famine, ces temps où j’étais en quête d’un abri, d’un endroit pour dormir, ces moments où je rêvais de vivre une autre réalité que celle là qui se montrait fatale. De ces temps à aujourd’hui, je n’ai pas changé, mais j’ai tout de même évolué. Je chantais l’envie de réussir, je me rappelle de mes rêves, j’envoyais des messages à l’univers, à Dieu de se souvenir de moi, de voir à quel point je me battais, de m’aider…  

Je rappais l’envie de réussir

Des années après,  j’ai pu gravir quelques échelons de la société au gré du travail, la bravoure et la persévérance.

Rencontrant désormais l’opposé de mon enfance durant laquelle poser les pieds un sol en carreaux était un luxe. On a attendu tellement de choses et elles sont enfin arrivées. Parfois j’ai la flemme de me dire que je les mérite. Je vis ma vie comme celui qui a changé de camp, de situation, mais là-bas dans nos quartiers c’est toujours la misère et c’est même de pire en pire. Un vie aisée pour les uns et une vie presque mortuaire pour d’autres. Même si règne la loi du karma, je suis toujours mal à l’aise face à ce contraste de la vie malgré ma position favorable. 

Quand je réalise tout ce que je peux me permettre aujourd’hui… Je peux m’acheter ce que je veux, manger ce que je veux et quand je veux, GRACE À DIEU. Je vois ma penderie pleine au point d’avoir l’embarras du choix d’un vêtement ou d’une chaussure. Quand je pense qu’à une époque j’avais même pas une paire. Des courses dans les supermarchés, parfois j’ai du mal à me laisser aller à la dépense, d’acheter des choses qu’autrefois je trouvais inutiles. Il m’arrive parfois de demander la permission au gamin que j’étais, géné de savoir que quelque part, il y en a comme lui qui galèrent pendant que je fréquente les coins des nantis. Location dans des quartiers résidentiels, maison de haut standing, aujourd’hui, il y a de l’espace de vie. Ni  de mouches, ni de poussière, une ménagère chez moi alors que je me disais autrefois que ça ne rentrera pas dans mes habitudes. Je regarde autour de moi et je me rappelle à quel point il y a deux vies, des castes, des classes que la société sépare.  Certaine sortent prendre une pizza ou  du poulet à 10.000 FCFA tandis que d’autres n’ont que 200 Fcfa pour un petit beignet haricot, glaciers modernes, caves, restaurants chics et chers pour les Bobos. C’est ça la vie! 

Le tapioca n’a plus le même goût, il est passé de la valeur nécessité à la valeur envie.

Salle de bain avec lavabo, colonne de douche, pistolet, sol marbré, l’eau ne vient plus du puit. Véhiculé j’en ai même deux, voiture et scooter, d’où je viens on finit parfois la vie sans même toucher un volant. Parmi les privilégiés, parmi ceux qui ont un peu. Est-ce que tout cela fait de moi un BOBOH ? Quelqu’un qui ressemble à ceux qu’il a toujours vu de loin? Non je dirai que la vie nous a donné l’occasion d’évoluer.  Ma prière a toujours été que mon fils ne vive pas dans le manque comme moi, je fais tout pour cela, mais sans toutefois faire de lui un enfant gâté. A vrai dire ce ne serait pas un crime d’en profiter au regard de tous les sacrifices et souffrances qu’on a enduré pour avoir un peu de pain. Mais ce serait un crime d’oublier et de s’embourber dans l’aisance, et quel genre même? Malgré tout je ne souhaite pas retourner à  ma vie d’avant, car Dieu m’a fait grâce de celle-ci après des années de quête. Au contraire je souhaite devenir riche, avoir plus, parce qu’avec plus on peut aussi faire quelque chose pour les autres. 

Le temps nous montre qu’on loin d’avoir réussi malgré les conditions améliorées, aller plus loin ou se maintenir au moins, c’est pourquoi je ne cesse de me battre car je suis très loin d’avoir rėussi jusqu’ici. Du bas de l’échelle sociale que je grimpe je suis même encore milieu. Juste à l’abri pour le moment car il ne pleut plus dans ma maison, mais il pleut chez beaucoup, nombreux ont du mal à mettre un repas au feu. Nombreux vivent dans la boue, au milieu des ruines de la pauvreté, séparés des privilèges de ceux (de nous) qui dépensent à Carrefour et autres super marchés. Nombreux ne cherchent encore que de quoi manger et de quoi se maintenir en attendant demain. Comme si la vie ne leurs appartenait plus, comme si une vie normale c’est trop espérer.

Eux, ils diront de moi aujourd’hui que je suis ce que je disais des autres autrefois « UN BOBOH ». 

On est tous libres, mais nous ne la savourons pas au même titre… Que dire de ceux là dans les prisons? Je rends grâce au DIEU d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, qu’il m’en donne plus et que j’en donne plus. Qu’il accorde à tous ceux qui se battent chaque jour la condition et la lumière qu’ils méritent. Ce qui est sûr c’est qu’il ne faut pas se condamner, il faut aspirer à mieux et rester dans l’effort, il le faut. #DuBasVersLeHaut